Les rêves chez les chamans de Sibérie
La croyance la plus répandue chez tous les peuples sibériens est que la vie du corps dépend de l'âme. Gardant une certaine autonomie, elle peut s'évader pendant la phase du sommeil, et le rêve témoigne de cette évasion. Cette absence temporaire est sans danger, à condition qu'on ne réveille pas brutalement quelqu'un qui dort. Chez les Xant-Mansi, on dessine un tétras sur les berceaux des nourrissons afin que l'âme de celui-ci ne s'en aille pas trop loin. Si elle se fait prendre par les esprits, la mort est inéluctable, à moins que le chaman intervienne.
Cette absence d'âme peut aussi être attribuée à d'autres états proches du rêve comme l'ivresse et la maladie (surtout mentale), d'où la pratique chamanique du rappel de l'âme dans le corps. Enfin, cette absence est définitive en cas de décès.
Dans les sociétés chamaniques, certains types de rêves vont apporter la chance au chasseur. S'il rêve de la fille de l'esprit de la Forêt (et des Eaux aussi pour les Selkup), c'est-à-dire du donneur de gibier (donneur de chance), sa chasse sera couronnée de succès. La fille de l'esprit de la Forêt peut apparaître différente à chaque rêve, en vertu de la "pluralité d'entités particulières, localisées". "Elle est toujours très belle et le plus souvent nue, séductrice et exigeante". En échange du gibier, elle demande les plaisirs humains (amour, contes et chants). L'épouse du chasseur devine d'ailleurs au gibier rapporté si son mari a une maîtresse surnaturelle.
Il existe un interdit de pratiquer l'acte sexuel avant la chasse, avec son épouse notamment. Mais il est de bon présage d'avoir un rêve où le chasseur désire une femme sylvestre. Mais cette séduction a un prix : à terme elle signifie la mort du chasseur, la fille de l'esprit de la Forêt cherchant à le retenir. Elle le rend fou et le fait mourir. Les Tongouses expliquent les morts violentes des chasseurs par l'amour que leur porte l'ourse. Pour les Turco-mongols, les filles d'esprit doivent tuer les chasseurs pour les avoir comme maris.
Toujours en Sibérie, les chamans voient en rêve l'élan ou le renne dont la peau va lui servir à confectionner son tambour. Le rêve lui permet de savoir où le trouver et comment le reconnaître. Il ne lui restera plus qu'à faire part de ces renseignements au chasseur pour que celui-ci aille le tuer. Cette recherche peut durer une année entière.
Le tambour est un objet essentiel pour exercer l'activité de chaman. Outre le fait qu'il fait participer la communauté entière, le chaman épouse en quelque sorte son tambour puisqu'il matérialise son alliance surnaturelle avec la fille de l'esprit de la Forêt. C'est dire la fonction sacrée de ce type de rêve.
Toujours chez le chaman, certains type de rêve s'inscrivent dans le cadre de l'initiation. Ils se produisent d'ailleurs souvent pendant une maladie. Dans ces rêves, il existe des thèmes récurrents : rencontres avec des figures divines (Dame des Eaux, Seigneur des Enfers, Dame des animaux), esprits-guides, révélations sur les maladies et leur traitement, dépeçage et découpage du corps du chaman.
Infos: Mieux comprendre le sommeil